dimanche 14 décembre 2008
Portrait : Actualité Juive
Le Aleph, beth de Patrick Petit-Ohayon
A comme ….
Ascendance :
Je suis né dans la Sarthe en 1957. Mes parents, venant de Safi au Maroc, sont arrivés en France un an avant ma naissance avec ma sœur aînée. Quand mon père a été muté en Bretagne, nous avons suivi. J’ai eu une enfance heureuse dans une famille de classe moyenne. Si notre vie juive était inexistante dans la sphère publique, elle s’exprimait dans le cadre privé du foyer par des éléments forts comme l’allumage des bougies le vendredi soir ou encore les matsot à Pessah. Etre juif en Bretagne dans les années 1970 ne fut pas chose facile. La communauté la plus proche était à plus de 100 km de chez nous. Quand je suis arrivé à Paris en 1983, j’ai pu savourer la diversité et la richesse de la vie juive de la capitale. On a tendance à oublier que cette diversité, cette opulence ne va pas de soi partout. Nous avons une grande chance.
Alliance : Je suis marié depuis 23 ans. Avec mon épouse, nous avons 3 enfants, 2 filles et un garçon : Judith, Esther et Dan. Ensemble je crois que nous formons une famille unie et riche de ses diversités.
Amour de D. : Ma foi se compose de trois éléments. Un lien affectif, viscéral, qui ne s’explique pas, que ma mère, surtout m’a transmis. Ensuite c’est une réflexion, un questionnement qui s’exprime par l’étude. Enfin, c’est l’expérience de la Présence divine dans certains moments de la vie. Quand j’étais enfant, j’ai eu la chance de bénéficier du Talmud Thora par correspondance mis en place par Jean Schwartz, rabbin de la synagogue de la rue Montevideo. J’en ai gardé le goût de l’étude. Quand j’ai fait mon service militaire, quand mes camarades de chambrées jouaient aux cartes le soir, moi j’étudiais.
Admiration : Je citerai des penseurs comme Maïmonide, le Maharal de Prague le Rav Shimshon Raphaël Hirsch ou Martin Buber, mais aussi le grand éducateur Janusz Korczak. Il s’agit de personnalités très différentes mais je dirais que leurs réflexions résonnent en moi.
Antisémitisme : Je n’ai pas subi l’antisémitisme, j’ai plutôt vécu l’expérience de la différence. A l’école, dans ma jeunesse, j’étais celui qui n’était pas comme tout le monde, le garçon un peu à part. Pour revenir à l’antisémitisme, je suis dubitatif tout en étant optimiste. Même si je reste convaincu que la France n’est pas entièrement antisémite, je m’interroge sur la capacité de notre pays à barrer la route au nouvel antisémitisme politique liée à la situation au Proche-Orient.
Alyah : J’ai découvert Israël en 1972 au cours d’un voyage en famille. Comme dans ce genre de séjour, j’ai plus découvert les membres de ma famille que le pays en lui-même. J’y ai fait depuis de nombreux séjours d’étude et de tourisme avec ma femme et mes enfants. Je porte sur Israël un regard mitigé mélangé d’espoir et d’inquiétude. Israël doit selon moi rester un pays « pas comme les autres ». Il faudrait que nous réussissions à concilier l’approche religieuse inhérente au peuple juif et la modernité du monde occidental. Je regrette parfois que la seconde prenne le pas sur la première.
Affaire : Après des études de Psychologie, j’ai fait mon service militaire. Libéré de mes obligations, je suis parti trois ans étudier à la Yéshiva de Montreux en Suisse dans une section préparant à l’enseignement. J’ai ensuite étudié l’Hébreu à l’INALCO. J’ai enseigné le Kodech pendant dix ans, essentiellement la pensée juive, avant d’intégrer le Fonds social juif unifié en 1992. Mon entrée dans cette institution correspond au lancement de l’Institut André Neher. Aujourd’hui responsable du département de l’enseignement du FSJU, j’ai en charge la coordination de l’ensemble des écoles juives en France, je suis également directeur de la revue « Hamoré », publiée 3 fois par an et qui est destinée aux enseignants et éducateurs juifs francophones.
Autoportrait : Comme tous les enseignants, j’ai le souci de l’autre, du partage de la connaissance. J’ai de la suite dans les idées. Je fonctionne selon le principe du puzzle. Quand j’ai une idée en tête, j’en ai une vision globale qui se précise au fur et à mesure de l’avancement du projet. Je suis respectueux d’autrui. Je suis d’un caractère plutôt optimiste, toujours prêt à innover. Je dis souvent « celui qui n’avance pas, recule » c’est valable dans l’étude, dans le travail, dans la vie de tous les jours. Je suis enfin « curieux » des savoirs en général.
B comme …
Béréchit : C’est en 1979 que j’ai choisi ma voie professionnelle. J’en portais les germes en moi depuis plusieurs années mais je crois que ça s’est matérialisé à ce moment précis. J’avais passé un mois à la Yéshiva de Montreux, histoire d’en avoir un avant-goût et j’ai compris que ce que je souhaitais enseigner, parmi tous les savoirs, c’était la Torah, sans pour autant avoir besoin de me couper de la psychologie, de la philosophie ou des sciences.
Bataille : J’ai une bataille globale qui concerne la nécessité et le besoin d’éducation en général et d’éducation juive en particulier à l’adresse de nos enfants. Ma bataille plus personnelle est d’essayer, à travers des écrits de pensée juive ou de pédagogie, à travers des conférences, de défendre l’idée d’un juif bien dans sa tête, connaissant la richesse de sa culture juive, sans pour autant en devenir vantard, et n’ayant pas peur de la confrontation avec les autres cultures mais au contraire s’enrichissant de ces rencontres sans tomber dans la confusion des valeurs. Dans l’école juive je tente de rapprocher le monde dans lequel évoluent les élèves de celui des professeurs. Aujourd’hui, le décalage est à mon sens trop important et rend théorique le savoir enseigné.
Bande : Je n’ai pas le sentiment d’être un homme de bande. Je ne me sens pas pour autant coupé du monde, j’ai des amis, mais je ne crois pas être un homme de groupe. Pour moi, le groupe porte en lui la limite de l’uniformité. Mon cercle familial, mon cercle professionnel, mon cercle amical sont des viviers de proches. Je ne les citerais pas mais ils se reconnaîtront.
Interview Hamoré
Hamoré ; Vos prédécesseurs à la tête de la revue ont été interviewés au moment où ils ont quitté cette responsabilité ou bien la direction du département de l’Enseignement du FSJU.
Pour vous proposer cet entretien qui vous fera connaître davantage à nos lecteurs, nous saisissons l’occasion de la récente décoration que vous avez reçue des mains du ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos, les Palmes Académiques !
Votre premier article dans Hamoré date d’il y a vingt ans ; il y a douze ans que vous avez été nommé secrétaire général de notre revue, alors que vous étiez déjà chef du département de l’Enseignement, et depuis quatre ans vous êtes notre directeur.
Cette belle carrière au service de l’éducation juive que nous allons commenter ensemble, l’aviez-vous envisagée au départ ? Autrement dit, qu’est-ce qui vous y a préparé ?
LES VOIES DE LA PROVIDENCE …
Patrick Petit-Ohayon : D’une certaine façon, elle n’était pas prévisible, car je n’avais pas de projet de carrière. Je dirais qu’elle était déjà en potentialité depuis longtemps. Lorsque j’étais lycéen dans un établissement public, il m’arrivait assez souvent d’avoir une forme d’enseignement du Judaïsme avec des non juifs, racontant à mes camarades ce que je découvrais ou ce que je lisais sur le Judaïsme. Donc quelque part, c’était déjà en prémices, par une forme de disposition à la transmission et à l’étude. Par la suite les choses se sont enchaînées, je ne dirais pas d’elles-mêmes, mais parce que (l’expression peut paraître un peu présomptueuse) il y a une Hachga’ha (1). Toutes les rencontres ont été faites de cette manière-là, à commencer, lorsque j’étais jeune, avec le Talmud-Tora par correspondance, parce que c’est “par hasard” que j’en ai découvert l’existence. J’habitais en Bretagne et un jour, sur un marché, ma mère rencontre une marchande qui avait un pendentif en forme de Mézouza. Donc elle s’approche et l’interroge et c’est par la proximité avec cette autre famille juive qu’on a découvert l’existence du Talmud-Tora par correspondance, fait à l’initiative du Rabbin Jean Schwarz, dont il faudrait rappeler l’œuvre éducative très importante.
Pour le choix, plus tard, de la Yéchiva de Montreux, c’est la même chose. Après une période à l’université, avant de partir à l’armée, je décide d’y aller pour un séjour d’été ; puisque en tant qu’étudiant j’étais convoqué pour une intégration du service militaire le 1er d’août, j’avais un mois de vacances. Je décide d’aller étudier dans une yéchiva pendant le mois de juillet. Le journal qu’on connaissait à l’époque, c’était Information Juive : j’y ai trouvé deux publicités, l’une pour la Yéchiva d’Armentières dans la région parisienne et une autre pour la Yéchiva de Montreux. Puisque c’étaient mes vacances, je me suis dit : « Autant aller en Suisse et découvrir cette région !» C’est ainsi que je suis parti pour Montreux. J’y ai passé trois semaines. Pendant toute mon année d’armée, j’ai correspondu à la fois avec Rav Shaoul David Botschko et avec Rav Abraham Weingort et après cette année d’armée, j’ai décidé d’interrompre mes études à l’université et de passer trois ans à la Yéchiva de Montreux. J’ai fait le Beth Midrach Lemorim, structure destinée aux élèves post-bac pour devenir enseignants de kodech. J’hésitais encore à l’époque entre le rabbinat et l’enseignement. J’ai choisi finalement l’enseignement et je ne le regrette pas. C’est souvent comme ça … Il y a quelque part, je pense, une direction qui est donnée …Ce ne sont pas des choix complètement libres, ce sont des choix qui sont guidés qui mènent … là où je suis aujourd’hui. Probablement parce que j’ai quelque chose de particulier à y faire, que j’essaie de faire en tentant de le comprendre le mieux possible..
Hamoré : Comment expliquer le choix que vous avez fait d’entrer au Fonds Social ?
P. Petit-Ohayon : L’entrée au Fonds Social n’était pas prévisible non plus ! D’abord parce que, en tant que prof de Kodèch, je ne le connaissais pas vraiment, et là aussi, c’est à travers des rencontres, en particulier avec Hamoré, mais aussi grâce aux visites impromptues de Prosper Elkouby qui, lorsqu’il allait dans les établissements, avait l’habitude de rentrer dans les classes. C’est ainsi qu’il est entré dans ma classe à plusieurs reprises, à Ets ‘Haïm comme à L’Alliance de Pavillons-sous-Bois. Nous avons fait un peu plus connaissance et au moment où il réfléchissait à la mise en place de l’Institut André Neher, il m’a sollicité pour en faire partie. Je suis donc entré au Fonds Social en septembre 1992, à mi-temps, pour l’accompagner dans la mise au point de la première formation — la formation de formateurs.
Hamoré : Ne faisiez-vous pas partie vous-même de ces formateurs en puissance ?
P. Petit-Ohayon : J’ai joué trois rôles ! D’abord j’ai fait la première maquette de la formation, c’est-à-dire la rédaction du premier projet qui a été plus tard réadapté par Benno Gross lorsqu’il a pris la responsabilité de cette formation.
J’étais en même temps coordinateur de la formation et aussi stagiaire de la formation.
Hamoré : Vous aviez déjà sorti votre premier livre ?
P. Petit-Ohayon : C’était en 1989 : il m’a été commandé par Félix Schliachter, à la suite de sa lecture d’un texte que j’avais publié dans Hamoré où j’évoquais la place des parents dans l’éducation. Nous nous sommes rencontrés lors d’un séjour de Soucot à Elisabethville dans le cadre de Ets ‘Haïm (succursale de la Yechiva de Montreux). L’ouvrage est sorti sous le titre “Parents et enfants juifs”. J’ai beaucoup travaillé après avec Félix Schliachter jusqu’à sa alya. Ainsi j’ai publié encore “L’enfant, la famille et le livre”. J’ai travaillé avec lui dans le cadre de la Fédération internationale pour l’éducation des parents, une ONG ayant son siège à Sèvres. J’ai réalisé pour lui un projet de tutorat parents-enfants. J’ai beaucoup réfléchi à cette époque sur un sujet qui le préoccupait spécialement, les ‘Hougué Horim et les écoles de parents. J’ai continué encore quelque temps après mon entrée au Fonds Social.
Hamoré : C’est votre premier article dans Hamoré qui vous a fait connaître de Félix Schliachter et du FSJU !
P. Petit-Ohayon : J’ai commencé à écrire déjà bien avant, lorsque j’étais à la Yéchiva de Montreux. Je rédigeais des commentaires sur la Parachat hachavoua que j’affichais dans la salle à manger. J’ai réalisé un petit recueil de ces commentaires qui s’appelait “L’échelle d’Israël”, dans les années 1982-83.
Hamoré : Vous avez aussi enseigné au Talmud-Tora de Neuilly ?
P. Petit-Ohayon : Oui. J’ai travaillé avec le Rabbin Jérôme Cahen que j’ai rencontré à la Yechiva de Montreux où il venait pratiquement chaque année avec sa femme et ses enfants à la remise des diplômes, fin juillet. A cette occasion, chaque élève faisait une dracha et, à la fin de ma dracha, il m’a dit : « Si jamais l’année prochaine vous êtes en région parisienne, venez me voir, je vous trouverai quelque chose.» L’année suivante, ne trouvant pas de travail en Alsace où habitaient ma mère et ma sœur, je décide de venir en région parisienne et trouve un demi-poste à Pavillons-sous-Bois. Je suis allé voir le Rabbin Cahen et il m’a tout de suite proposé d’enseigner au Talmud-Tora. J’y suis resté pendant sept ans … encore un peu après sa disparition, quand le Rabbin Alexis Blum était déjà en poste. J’avais la kita Dalèt et une classe post-bar-mitsva. pour lycéens de 15-17 ans, le dimanche à midi : je donnais un cours de Guemara auquel participaient les enfants du Rabbin Cahen.
Hamoré : Après ce regard sur le passé, abordons maintenant ce que vous avez réalisé en tant que chef du département de l’Enseignement. Pour commencer, vous avez réussi, je crois, à faire l’unité de l’ensemble des écoles juives de France ?
P. Petit-Ohayon : Depuis 1997, il y a une union qui s’est vraiment réalisée autour de la Commission de Concertation, de sorte qu’aujourd’hui toutes les négociations de contrat sont faites par le Fonds Social au nom de la Commission de Concertation. J’ai essayé de rendre plus cohérentes notre mission auprès des pouvoirs publics. Tout le monde participe, sans conflits, à la répartition des moyens en fonction des priorités, établies chaque année par la Commission de Concertation, au niveau national, de manière à éviter tout favoritisme et à avoir la répartition la plus objective possible.
UN OBSERVATOIRE NATIONAL DE L’ÉCOLE JUIVE
Hamoré : Qu’avez-vous encore réalisé d’autre ?
P. Petit-Ohayon : J’ai élargi les relations du Fonds Social à l’ensemble des écoles juives. A l’heure actuelle, nous sommes en relation avec tous les établissements, adhérents ou non au Fonds Social, sous contrat ou hors contrat, et de tous les réseaux, Loubavitch, ‘Harédi, ainsi que les écoles de l ‘Alliance, de l’ORT. … Il y a quinze jours, j’ai participé au gala de l’Ecole Fanny Munk du Rav Frankforter. Il y a trois semaines, je suis allé rendre visite à la Yéchiva de Brunoy. On a de bonnes relations avec l’école d’Armentières, on les aide comme on peu quand ils sont en difficulté. Nous sommes au service de toutes les écoles.
Ensuite, j’ai créé et structuré un véritable observatoire de l’école juive ; en systématisant des enquêtes et en les informatisant, on s’est doté des outils qui nous permettent à la fois l’analyse de l’existant et la projection de l’évolution du système de l’enseignement juif.
Hamoré : Tout ce travail, vous le faites seul ?
P. Petit-Ohayon : Pendant longtemps je l’ai fait seul avec mon assistante, Myriam Cohen. Ensuite Nathalie Aknin a repris la gestion des chiffres. Enfin depuis deux ans, Marlène Lehrer nous a rejoints pour l’analyse des enquêtes. C’est une ancienne directrice d’école primaire du public. A partir de ces informations on est en mesure de présenter aux chefs d’établissement et aux services communautaires un certain nombre de données de compréhension des évolutions du terrain. Cela à travers des plaquettes qu’on a rédigées sur l’école juive, notamment celle sur les perspectives d’évolution des effectifs à dix ans. On essaye aussi de définir, à partir de ces enquêtes, les besoins prioritaires pour l’amélioration de la qualité de l’école juive. La consultation nationale de l’an dernier s’inscrit tout à fait dans le cadre de cet observatoire de l’école juive. Cela nous permet aujourd’hui d’accorder la priorité à un certain nombre de problématiques, notamment le travail que nous avons amorcé maintenant sur les programmes de lutte contre l’échec scolaire. Ce sont des éléments d’information qui nous permettent de mieux connaître le terrain et, en même temps de définir des priorités, à la fois budgétaires et stratégiques.
LE CENTRE JUIF DE PUBLICATIONS PÉDAGOGIQUES.
On a édité depuis 1995 un certain nombre de publications pédagogiques, comme Les dossiers de l’enseignant en éducation civique communautaire (sur le troisième âge, sur le maasser kessafim, l’enseignement de la Shoah dans le cadre des Journées de la mémoire …). Ce sont aussi les ouvrages de pensée juive que j’ai publié dans le Centre juif de publications pédagogiques. L’objectif est de fournir un support pédagogique soit pour l’élève, soit pour l’enseignant pour lui permettre d’améliorer la qualité de son enseignement sur des problématiques qui sont les plus défavorisées. En histoire juive, un premier volume est sorti sur les origines de l’écriture dans le Croissant Fertile. Dans ce cadre aussi, le dernier sorti, de J. Milewski sur l’enseignement de la halakha. (2) Ces publications doivent permettre l’amélioration du contenu de l’enseignement et viennent donc en complément de la formation.
J’ai pris également un certain nombre d’initiatives d’ordre pédagogique, soit en direction des élèves avec les Journées de la mémoire, par exemple, qui ont duré pendant cinq ans (aujourd’hui le Mémorial de la Shoah a pris la relève),soit en direction des parents avec les Entretiens pédagogiques de Rachi dont Hamoré a publié d’importants extraits.
Ajoutons à cela des initiatives prises par mon prédécesseur et dont j’ai hérité, comme le Prix Corrin
Par ailleurs nous avons repris depuis une dizaine d’années la coordination du DUEJ (Diplôme Universitaire d’Etude sur le Judaïsme) autrefois géré par les responsables du Centre Rachi.
PROJETS D’AVENIR.
Hamoré : Et maintenant, parlons de l’avenir : quels sont vos nouveaux projets ?
P. Petit-Ohayon : Je viens de mettre en place une équipe de conseillers pédagogiques qui aident directeurs ou professeurs dans leur pratique quotidienne, en enseignement juif, en hébreu et dans la lutte contre l’échec scolaire. Tous ces conseillers sont eux-mêmes des enseignants encore sur le terrain. Ils ont une mission de recherche et de conseil. En Kodèch, une enquête est lancée sur l’éducation à la solidarité dans nos écoles, afin de pouvoir la stimuler. En hébreu, une enquête est en cours au niveau du primaire. (3) Pour la lutte contre l’échec scolaire, une enquête s’intéressera à ce qui est fait par les professeurs dans leur classe en ce domaine. Un premier bilan a été établi lors de l’assemblée des directeurs d’écoles en Janvier 2008 — une quarantaine y ont participé — qui ont fait des propositions pour améliorer la situation. En dehors de la classe, nous avons créés des ateliers de méthodologie scolaire s’appuyant sur la méthode Feuerstein (3).
Par ailleurs, un portail pédagogique est en chantier avec le site Akadem pour l’enseignement des matières juives. C’est un espace destiné aux professeurs avec des dossiers thématiques pour les aider à préparer leurs cours. Des fiches pédagogiques, des articles de Hamoré, des conférences sur Akadem, des articles de Manitou, des pages correspondantes sur le site Sefarim, etc.
D’autre part, la Fondation Rachel et Jacob Gordin a été créée récemment pour intervenir dans le champ de l’immobilier scolaire, maintenir les bâtiments existants, créer de nouveaux projets. Depuis janvier, une quinzaine de dossiers sont à l’étude, mon département assure la coordination des expertises et l’accompagnement des dossiers, en collaboration avec Jean-Daniel Lévy qui préside le Comité de Gestion de la Fondation.
Il faut enfin mentionner le programme Latalmid qui a été mis en place l’an dernier, en partenariat avec le département social, pour accorder des bourses aux élèves les plus défavorisés qui risquent d’être exclus de l’école juive, faute de moyens financiers suffisants. Il en a été question dans le précédent numéro de Hamoré.
EN CONCLUSION
En plus de la professionnalisation et de la mise aux normes progressive de nos écoles, je travaille depuis plusieurs années à l’amélioration de la qualité de l’enseignement afin d’élever le niveau des contenus et de les adapter aux besoins des élèves d’aujourd’hui. Nous espérons ainsi diminuer le nombre des adolescents qui sortent de l’école juive rebelles au Judaïsme en leur en donnant une image aussi positive que possible.
En parallèle j’ai fait évoluer le positionnement du département qui vise maintenant à permettre à chaque enfant juif d’avoir accès à l’école juive de son choix, dans des conditions matérielles optimales et avec la qualité qu’il est en droit d’espérer. Je ne suis pas là pour imposer des choix idéologiques, mais pour permettre à chaque établissement d’améliorer sa prestation dans le respect de son identité.
Il en va de l’avenir de l’école juive et à travers elle de l’avenir de la communauté juive de France.
(1) La Providence.
(2) Voir notre n°182, p.64.
(3) Voir ci-dessus à la rubrique “Actualité”.
Discours à l’occasion de la remise des Palmes Académiques
Merci, Monsieur le ministre, d’avoir accepté, avec autant de spontanéité, de me remettre les Palmes Académiques. Votre présence est un signe fort de votre soutien, non seulement pour moi, mais également pour l’institution que je représente, et pour le réseau de l’enseignement juif en France.
Merci, Monsieur Pierre Besnainou, Président du Fonds Social Juif Unifié, d’avoir organisé cette remise de décoration avec autant d’ampleur, ainsi que les membres du comité directeur qui gèrent cette institution.
Merci, Monsieur le grand Rabbin et Messieurs les rabbins d’être présents pour cette cérémonie,
Merci, à ma famille et à mes amis, d’être ici ce soir avec moi pour partager cet évènement, certains sont venu de l’autre bout de la France, d’autres de l’étranger.
Les Palmes Académiques, que vous venez de me remettre, Monsieur le ministre, ont été créées par Napoléon pour honorer les membres de l’université. Depuis 1955, cet ordre a été ouvert aux personnels relevant du ministère de l’éducation nationale, ainsi qu’aux personnes, qui rendent des services au titre des activités de l’éducation nationale. C’est dans cette dernière catégorie que je suis sensé me situer.
En effet, comme vous l’avez évoqué, après une dizaine d’années consacrées à l’enseignement, j’ai rejoint le Fonds Social Juif Unifié d’abord pour participer avec Prosper Elkouby, que vous avez bien connu, à la mise en place de l’Institut André Neher.
Ensuite, depuis Janvier 1995 pour assumer la responsabilité du département de l’enseignement dans lequel j’œuvre au développement du réseau de l’enseignement juif en France.
C’est dans ce cadre que j’ai été amené ces dernières années à renforcer nos relations avec le ministère de l’éducation nationale. Nous avons ainsi façonné, ensemble, depuis 13ans, un véritable partenariat tant au niveau national qu’au niveau régional dans les 13 académies où sont situées les écoles juives, avec les Recteurs, les Inspecteurs d’académies ou les services de l’enseignement privé. A tous ces niveaux j’ai à cœur de travailler dans l’écoute mutuelle, dans le respect réciproque et dans la confiance pour faire progresser la prestation éducative proposée aux enfants dont nous avons la charge.
Cette prise en charge éducative doit être de qualité et doit nourrir une ambition pour chaque enfant afin de l’accompagner vers sa réussite, elle doit également permettre à nos élèves de s’inscrire pleinement dans le projet citoyen et républicain de la France.
La loi Debré de 1959 instaurant l’école privé, distingue l’enseignement général de l’enseignement religieux, dit de caractère propre. Cependant cela ne signifie pas que les valeurs morales, humanistes et sociales de l’un ne sont pas en relation avec celles de l’autre. C’est ensemble, avec ces multiples approches que nous formons dans nos écoles le citoyen de demain.
Le texte biblique présente ainsi la relation entre ces valeurs :
« Que D-ieu étende Japhet et qu’il réside dans les tentes de Sem. » (Genèse IX, 27).
Ces quelques mots appellent un commentaire, permettez moi de le développer quelques instants devant vous.
Tout d’abord ces paroles sont prononcées par Noé, l’un des pères de l’humanité, en s’adressant à deux de ses fils : Sem et Japhet.
Le nom Japhet dérive en Hébreu du mot Yaphé qui désigne la beauté. Or, dans la tradition talmudique (Méguila 9b) Japhet est considéré comme le père de la civilisation occidentale, notamment à travers son petit-fils Yavan qui préfigure la Grèce.
Le Talmud reprend notre verset comme ceci : « La beauté de Japhet sera dans les tentes de Sem ». Or, continu le Talmud : « Qui a-t-il de plus beau chez Japhet que la langue Grecque ? » C’est pourquoi dès cette époque les Sages permettent la traduction de la bible hébraïque en grec. Le rabbin Hirsch au XIXème siècle, étend cette vision aux beaux-arts, à la littérature, à la science… qui sont les nouveaux atours de la société occidentale.
Le second fils s’appelle Sem ce qui signifie en hébreu : le Nom, c'est-à-dire l’appellation qui fait exister les êtres et les choses, le concept qui réunis en quelques lettres tout un univers. Au-delà de l’existence c’est l’appel vers la transcendance, car le nom par excellence c’est celui de D-ieu. Il appartient ainsi aux enfants de Sem de privilégier les valeurs de la spiritualité, de la métaphysique.
La voie ainsi tracée pour les descendants de Noé est celle de la rencontre, de l’accueil de l’un par l’autre : que la belle culture de Japhet puisse résider dans les tentes de Sem.
Mais essayons d’aller un peu plus loin dans la réflexion. Pour quelle raison la Bible utilise-t-elle cette expression que « l’un réside dans les tentes de l’autre » pour désigner les relations entre l’occident et l’orient ? Que signifie ici résider ? Qu’elle est la symbolique de la tente ? Pourquoi la relation doit-elle s’instaurer dans ce sens et pas dans l’autre, par exemple, que Sem réside dans les tentes de Japhet ?
Le terme utilisé en hébreu pour indiquer la résidence est Yichkon qui signifie certes habiter, mais exprime également la présence. Ce n’est donc pas qu’une indication physique, c’est l’idée existentielle de la présence. Il ne peu s’agir d’une résidence fortuite ou passagère, c’est l’expression d’une volonté affirmée ou refusée.
Par ailleurs, résider dans la tente ce n’est pas comme pour Achille, se cacher du monde extérieur, se réfugier pour y trouver la solitude et la sécurité. Dans la symbolique hébraïque c’est comme pour Jacob ou Abraham un lieu d’étude, ouvert sur le monde. La maison, refermée sur elle-même, coupe du monde, renforce l’homme dans son individualité, sa solitude et sa certitude, protégé qu’il est, par des murs solides.
Or justement la Bible nous transmet ici le message suivant : l’acquisition du savoir risque de nous enfermer dans une confiance tranquille qui nous coupe du monde environnant. Le pouvoir scientifique, la supériorité littéraire risque de conduire l’homme à se croire supérieur, voir à se prendre pour D-ieu. Le fait de s’installer dans la tente permet, par l’expérience de la fragilité de ramener le savoir à sa fonction de vecteur relationnel d’un bien à partager, à échanger, à transmettre.
C’est donc bien à Japhet, héros de l’esthétique et du savoir savant de résider dans la tente de Sem. Cela lui permet de faire l’expérience de la précarité qui mène vers la modestie. La quête du beau et de la science n’est pas une fin en soi, elle devient un moyen pour améliorer l’être en lui donnant l’occasion de se confronter à la différence et à la transcendance.
D’une certaine façon n’est ce pas là l’objectif de nos établissements sous contrats. Ils sont typiquement des tentes de Sem, des lieux où l’on essaye de développer la modestie par l’étude de la littérature biblique et talmudique afin que l’homme ne se prenne pas pour le nombril du monde. Mais pour que l’étude ne devienne pas un isoloir elle doit s’ouvrir sur l’autre, elle doit être en mesure d’accueillir la démarche de Japhet et lui permettre de trouver sa place afin qu’un enrichissement mutuel puisse avoir lieu.
De tout temps je me suis senti investi par cette mission qui vise à favoriser la rencontre entre ces deux sphères qui ont parfois du mal à comprendre leur complémentarité. Dans ma vie personnelle, à travers mes cours, dans mes livres, mais également dans ma vie professionnelle je tente de faire en sorte que la rencontre entre les exigences des uns et les aspirations des autres soit la plus harmonieuse possible.
Dominique Vincentelli-Méria, il y déjà quelques mois, en tant que conseillère du ministre, a du penser qu’il y avait dans tout ceci quelque mérite, et a pris l’initiative de solliciter en ma faveur cette décoration, je l’en remercie très chaleureusement.
Avant de conclure,
Je voudrais associer à ces Palmes Académiques, mes parents, qui ne sont plus, mais qui tout au long de leur vie ont su me transmettre le goût de la connaissance.
Je voudrais y associer également ma femme qui m’aide avec sagacité à développer le meilleur de moi-même.
Mes enfants : Judith, Esther et Dan qui grâce à leur vivacité d’esprit me permettent de progresser en repoussant sans arrêt les dangers de la certitude.
Je voudrais y associer encore mes maîtres qui m’ont aidé à être moi-même tout en m’éclairant de leurs connaissances et de leur exemple.
Par ailleurs, je voudrais remercier :
- David Saada, Directeur général du FSJU qui me fait confiance depuis 15ans et avec qui je suis souvent en phase,
- l’équipe du département de l’enseignement, qui me seconde au quotidien et tout particulièrement mon assistante Myriam Cohen qui me suit depuis plus de 10ans contre vents et marées,
- mes collègues du FSJU qui, chacun à sa manière, permet à la communauté, à la vie associative, de se développer dans la qualité
- les chefs d’établissements ainsi que les Présidents des écoles, dont bon nombre sont présents ce soir, avec qui je dialogue régulièrement, c’est avec eux que l’on fait avancer toujours plus l’école juive,
- mes interlocuteurs au ministère : Rolland Jouve, Michel Delacasagrande, Patrick Allal et leurs équipes… car c’est par le dialogue et l’échange que l’on déplace les montagnes.
Pour moi l’aventure ne s’arrête pas là.
C’est juste une pose pour faire le point sur ce qui a été accompli avant de repartir car le travail n’est pas terminé, il y a encore tant à faire pour permettre aux enfants de nos écoles de bénéficier des meilleures conditions pour préparer demain et pour construire l’école de leurs enfants.
mercredi 19 septembre 2007
NEHER : LE "SOURCIER" DU SILENCE
André Neher est l'un des acteurs principaux du renouveau des études juives en France dans l'immédiate après-guerre.
Il fonde une lecture originale de la Bible faite d'allers et retours entre l'actualité et le texte ancestral.
Après la Shoah, il développe une réflexion existentielle sur le silence de D-ieu dont il tente de retrouver la trace dans le texte biblique pour mieux analyser l'époque contemporaine.
Toute son oeuvre est traversée par cette problématique. L'exil de la parole est le texte central de sa réflexion sur ce thème en allant de la Bible à Auschwitz.
C'est depuis devenu un "incontournable" de la pensée juive contemporaine.
LE DIEU DE MAÏMONIDE
A la confluence de plusieurs cultures : juive, grecque et musulmane, Maïmonide, depuis son Andalousie natale, élabore une représentation de D-ieu originale.
Cette conception ancrée dans la tradition hébraïque la plus authentique prend des formes influencées par la philosophie d'Aristote, mais se veut cependant accessible à tous.
Ce premier chapitre des Lois sur les Fondements de la Tora contient ainsi une synthèse de la conception maïmonidienne de la divinité. Certains penseurs ultérieurs ont emboité le pas à Maïmonide; d'autres s'y sont opposés, l'accusant d'élitisme, de rationalisme exacerbé. Aucun n'a pu faire abstraction de ce texte et de cette approche de l'Aigle de la synagogue.
- Qui est D-ieu ?
- Quelle est sa relation avec ses créatures ?
- Pourquoi doit-il être unique ?
Telles sont les quelques-unes des interrogations abordées par Maïmonide dans ce texte incontournable présenté ici de manière claire et accessible à tous.
REFLEXIONS THEOLOGIQUES APRES LA SHOAH
60 ans après la fin de la seconde Guerre Mondiale, l'approche théologique du cataclysme reste encore extrêmement sensible et délicate.
Des courants de pensée très divers se sont exprimés, chacun selon sa logique et son modèle. Il ne peut, de ce fait, y avoir de parole officielle sur ces questions.
Chacun s'exprime pour ses fidèles, pour tenter de reconstruire une identité juive, à partir des morceaux dispersés par le choc et le drame incommensurable que représente la Shoah.
Dans cette diversité, chacun pourra trouver la voie qui lui convient pour continuer à réfléchir à hier pour préparer demain.
LES FONDEMENTS DE LA FOI JUIVE
La foi juive n'est pas celle que l'on croit généralement dans le monde occidental.
Elle n'est pas donnée par Dieu, même si Dieu y répond.
Elle oscille entre la confiance, l'engagement, la conviction, l'intuition.
- Quels sont ses fondements ?
- Quels sont ses principes ?
- Comment y accède-t-on ?
C'est à ces questions que nous vous invitons à réfléchir.
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